Outre leur personnalité et leur indéniable talent, ce qui séduit chez les White Stripes tient beaucoup au minimalisme à l'ancienne de leur son. Comparée à la production lisse et sans âme de la majorité des sorties depuis plusieurs années, celle de leurs albums est une salutaire oasis de fraicheur.
C'est à Londres, dans le minuscule studio Toe Rag, où rien ne semble avoir bougé depuis 1963, que le duo de Detroit a enregistré son précédent album "Elephant", qui a fait le carton que l'on sait, suivi peu après par The Kills et les Datsuns. Jusqu'alors secret le mieux gardé de sa Majesté, ce studio est devenu depuis le nouveau fantasme des groupes de rock en quête d'un son chaud, habité, loin de la sophistication des logiciels nivelleurs et de la technologie moderne.
"Je suis interessé par la production britannique de l'ère pré-Beatles. Certaines sonorités sorties de studios tel que Decca étaient incroyables", expliquait il y a deux ans au magazine "Dazed" Liam Watson, le fondateur de cette nouvelle Mecque pour blousons noirs.
Perfectionniste, ce maniaque n'a pas fait les choses à moitié. Il a d'abord passé un an au début des années 90 à écumer le pays pour réunir le matériel d'époque qu'il cherchait. Son principal pourvoyeur a été la BBC, qui se débarrassait alors de son excellent équipement analogique pour se convertir massivement au numérique.
Il s'est ensuite penché sur la disposition des équipements en interrogeant des producteurs d'époque dont il appréciait particulièrement le travail. Puis, pour peaufiner le tout, a observé à la loupe les magazines des sixties pour s'inspirer du décor.
Résultat, chez Toe Rag, qui a ouvert ses portes en 1992, on se croirait revenu quarante ans en arrière: tout le matériel, depuis les amplis Vox jusqu'aux huit pistes et aux énormes micros, date des années 50 et 60 et est de surcroit d'excellente qualité et en remarquable condition. Mieux, le décor est selon des vétérans à s'y méprendre: ils sont l'exacte réplique des studios Sun et Motown, pris pour modèles par Liam Watson, du linoléum à carreaux noir et blanc à la vieille horloge.
"Toe Rag est ce qui se fait de mieux à l'heure actuelle. On ne trouve plus de studios comme ça. Ce qu'il y a de plus beau à son sujet c'est qu'il est exempt de toute cette démoniaque technologie moderne que je hais passionnément", résume l'intégriste Jack des White Stripes.
L'endroit l'a tellement inspiré qu'il y a composé cinq titres lors de la mise en boîte de "Elephant". Et le titre "Ball and Biscuit" est une référence revendiquée aux fameux micros certifiés vintage du lieu. Dès lors, on s'étonne moins de la présence désormais constante de légions de jeunes pélerins dans les rues d'Hackney à l'Est de Londres, où est sise la maison la plus prisée du moment. |